Penser, rêver ou vivre

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Il y a quatre mois je reçois un coup de fil. « Allo Frédéric es-tu mobile ? ». Blanc ! puis je réponds « Ça   veut dire quoi mobile ? » Et là débute une nouvelle page, un nouveau chapitre  « l’Inde ». Aujourd’hui je suis dans l’avion. Prologue.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, revenons quatre en arrière et reprenons le fil de ce fameux coup de f..

« Ça fait loin ! Il faut que je réfléchisse. »,

« On se voit dans 4 jours tu me donneras ta réponse. ».

L’Inde est une opportunité de découvrir un autre monde, une autre manière de vivre. L’Inde c’est loin et compliquer à organiser, pas possible de commuter. L’Inde c’est loin en distance mais surtout en mode de vie. L’inde c’est loin et cela engage aussi mon entourage.  J’en parle immédiatement à ceux que j’aime et côtoie, ma fille… Après les quatre jours fatidiques, je réponds que je suis prêt à étudier plus avant la proposition, et ce bien que je, nous soyons incapables d’imaginer ce à quoi cela ressemblera.

Aujourd’hui, après quatre mois, je suis dans l’avion pour Bangalore, mon déménagement est quelque part en mer. C’est quatre mois ont été particulièrement riches, je ne les ai pas vus passer. Je suis allé faire un premier voyage de reconnaissance, j’ai échangé avec des français qui vivent ou ont vécu en Inde, j’ai lu de nombreux ouvrages sur ce pays, j’ai fait des séances interculturelles. J’ai aujourd’hui une bien meilleure connaissance du sujet, j’ai la certitude que c’est un pays extra-ordinaire pour nous occidentaux, passionnant. Je sais qu’il y aura des choses difficiles. J’ai pensé des stratégies pour faire face à ces difficultés. J’ai réfléchi sur la manière de garder le lien avec mes proches et ai prévu des allers/retours soit pour eux soit pour moi. Je me suis initié à Skype. Mais pas plus aujourd’hui qu’hier, je n’arrive à imaginer ce à quoi cela va ressembler. Je n’arrive toujours pas à imaginer car cela échappe complètement à la pensée. Je suis incapable de savoir si ce sera une super expérience ou une traversée du désert. Ce qui m’a surpris durant ces quatre mois c’est les réactions des gens : « c’est super » ou « je ne pourrais vraiment pas, t’as du courage » ; rien entre les deux. Ce qui m’a surpris c’est que moi j’étais, et suis encore, incapable de trancher convaincu que ce serait l’un et l’autre.  L’Inde est tellement différente que la pensée est impuissante. C’est ce que j’ai aimé pendant ces quatre mois, la raison pour une fois n’a pas pris le contrôle.

Il y a un autre risque, c’est de rêver, rêve ou cauchemar,  une telle expérience. Rêve pour fuir une réalité pesante, cauchemar qui nous tient prisonnier de notre vie actuelle. J’ai, il me semble évité ce second piège et j’arrive, peut-être pour la première fois, sans attente, sans espoir. J’arrive en Inde juste pour vivre ces deux ans, prendre ce qu’il y a de bon et faire face à ce qui sera difficile. Il y a vingt ans je lisais un livre «Traité du désespoir et de la béatitude » d’André Comte-Sponville. A l’époque je comprenais, j’étais intellectuellement d’accord avec le fait qu’il faille dès-espérer pour vivre mais cela me semblait inatteignable. Aujourd’hui, je pense que j’ai un peu plus de sagesse.

En créant ce blog je n’imaginais pas que j’allai connaitre un tel changement, une telle expérience. Changer est, comme je l’ai souvent écrit,  une chose difficile car il faut accepter de quitter ce que l’on a pour l’inconnu. Et quand on le fait c’est souvent que l’on a rêvé un futur radieux, espoir qui peut ne pas et nous empêche de vivre le présent. En fait changer c’est vivre la vie, de la vivre en pleine conscience. Changer c’est arrêter de la penser, de la rêver. C’est ce que je vais essayer de faire en Inde.

Changer n’est pas une nécessité, mais trop souvent nous acceptons nos souffrances car changer nous fait peur. Changer n’est pas une nécessité, vivre « heureux » n’est pas une obligation.